Plates-formes de réseaux sociaux et répertoires d'action collective - Sciences Po Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2013

Plates-formes de réseaux sociaux et répertoires d'action collective

Résumé

Début de communication : Il est souvent difficile d'éviter les projections sur des processus sociaux aussi décisifs que ceux que l'on nomme " révolution arabe ". Il est tentant de profiter de l'occasion pour réaliser des pronostics politiques ou proposer des conclusions définitives sur le rôle des technologies, en l'occurrence des réseaux sociaux, dans ces événements. Notre souci sera plutôt d'adopter une posture plus modeste orientée par un impératif de description des médiations qui ont effectivement fonctionné pour mieux comprendre la médiologie des mouvements sociaux et politiques. Car il ne faut pas nier que tout cela nous a surpris. Mais on ne peut ignorer non plus que l'évolution technique des années 2000 a été pour le moins surprenante elle aussi, tout au moins par sa rapidité et par son ampleur. Nous avons défini le rôle des architectures techniques numériques comme une " amplification " pour rester modeste, pluraliste, et pour nous inscrire dans la lignée des travaux d'Elizabeth Eisenstein (1991) sur la révolution de l'imprimé. Elle avait en effet très bien montré comment cette révolution technique avait en fait encouragé, amplifié toutes les tendances à l'œuvre dans les sociétés de l'époque, et que dès lors, certaines de ces tendances avaient trouvé une place qu'elles n'auraient pas eu dans un système médiatique ancien, celui des manuscrits et des scribes. Ce fut le cas notamment pour la Réforme protestante, nouvelle hérésie comme il en exista régulièrement dans l'histoire de l'Église catholique mais qui bénéficia cette fois-ci à plein de l'amplification permise par l'imprimerie pour la diffusion des 95 thèses de Luther (300 000 exemplaires diffusés un an après leur premier affichage, exemplaires en langue vernaculaire et non seulement en latin). Au même moment, l'Arétin diffusait ses rumeurs et ses ragots exactement comme le ferait la presse " people " actuellement et devenait un auteur à succès. Il fallut attendre 1542 et le long concile de Trente pour voir l'Église prendre la mesure du danger de ce nouveau support médiatique et imposer l'index et l'imprimatur avant toute publication. Pendant toute une période, donc, lors d'une révolution technologique aussi majeure que celle de l'imprimerie, toutes les tendances ont leur chance et tous les essais sont permis. Mais seuls certains survivent. C'est pourquoi une période équivalente comme celle du Web 2.0 est passionnante et en même temps trompeuse si l'on tente de lui assigner une direction univoque. Les évolutions politiques en cours dans les différents pays qui ont vécu les révolutions arabes selon des modes très différents sont elles aussi incertaines, il n'est pas judicieux d'entrer dans les pronostics ni dans l'attribution du titre de " grande cause " aux technologies comme à tout autre facteur. En revanche, dans la lignée de Tarde et de Leibniz, il est utile de comprendre toutes les petites causes et les petites différences qui ont provoqué des contagions locales devenues générales et de voir comment certaines propriétés des médiations ont rendu possible certains de ces comportements essentiels. Quel statut d'agency peut-on alors leur attribuer, et sous quelles conditions ? Quelles différences a produit chacune des contributions et des médiations (Latour, 2006) et comment ont-elles transformé ce qu'elles transportaient pour qu'au bout du compte, la propagation, la contagion, qui fit révolution, puissent avoir lieu ? Car pour durer, pour tenir, il fallait que les éléments qui circulaient fussent transformés, médiatisés, informés. Il sera ainsi possible d'avancer dans une médiologie des mouvements sociaux sans porter de jugement a priori ni les écraser sous des montées en généralité trop rapides. Cependant, pointons d'emblée une limite de l'exercice : les données empiriques systématiques et comparables nous manquent, bien que certains chercheurs en aient produit sans aucun doute. Nous en savons sans doute plus sur les médiations et leurs attributs qui ont pu produire ces petites différences qui firent contagion que sur les éléments qui ont circulé, depuis une origine supposée, sur les " contenus ". Dès lors, c'est avant tout un exercice de cadrage conceptuel que nous voudrions proposer, en nous appuyant sur des données empiriques certes trop impressionnistes à notre goût. Il peut paraître abusif de mobiliser dans le cas des révolutions arabes les cadres d'analyse de mouvements sociaux élaborés pour des cultures européennes et des traditions démocratiques d'un autre type. Pourtant, certains de ces cadres sont désormais pertinents selon nous pour les pays arabes et leurs limites de validité sont en retour de bonnes leçons pour les pays européens aussi. Michel Offerlé (2008), dans la lignée des travaux de Charles Tilly (1986) qu'il a revisités pour l'époque contemporaine, a proposé de distinguer trois répertoires d'action disponibles et utilisés par les mouvements sociaux (au sens large du terme) : le nombre, l'expertise, le scandale. Nous avons mis en forme ces possibles dans une boussole que nous appelons cosmopolitique (Boullier, 2003), pour penser la pluralité des répertoires d'action et leurs relations
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hal-00972856 , version 1 (21-05-2014)

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Citer

Dominique Boullier. Plates-formes de réseaux sociaux et répertoires d'action collective. Colloque "Mouvements sociaux en ligne face aux mutations socio politiques et au processus de transition démocratique", Apr 2012, Tunis, Tunisie. pp.37-50. ⟨hal-00972856⟩
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